{BnF g alhca BIBLIOTHEQUE NUMERIQUE Nouvelles Recherches sur les Chams, par Antoine Cabaton,... Source gallica.bnf.fr / Bibliotheque nationale de France (BnF OBIBLIOTHĚQUE NUMÉRIQUE (Tallica Cabaton, Antoine (1863-1942). Nouvelles Recherches sur les Chams, par Antoine Cabaton,.... 1901. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numeriques d'oeuvres tombees dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur reutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La reutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la legislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La reutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait I'objet d'une licence. Est entendue par reutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits elabores ou de fourniture de service. 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Source gallica.bnf.fr / Bibliotheque nationale de France PUBLICATIONS DE L'ECOLE FRANCAISE D'EXTREHE^ORIENT NOUVELLES REGHERCHES SUR LES CHAM PAR Antoine GABATON AKCIEN ELEVE DIPLOME DE L'ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDE ANC1EK MEMBRE DE L'ECOLE FRANCAISE d'eXTRESIE-ORIENT ATTACHE A LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE PARIS ERNEST LEROUX, EDITEUR . 28, rue bonaparte, 28 4904 V PMICATMS DE L'EGOLE MfAISE -D'EXTBlME'ORIM' volume ii. NüUVELLES RECHERCHES SUR LES CHAMS Angers. — imp. Orientale a. burdin et o'". ľ -Ä LA MEMOIRE DE MON PERE RECHERCHES SUR CHAMS ■ .7 <5 angers. — imp. orientale a. burdin et g'0. Temple do Pô Kloň Garai á Plian-Raug1. NOUVELLES RECH ERC H ES SUR CHAMS PAR A'ntoine GABATON C f e N ELEVE DIPL Ö ME DE LECOLE V 11 AT IQ U E DES J1AUTES ETUDES ANCIEN UEMBIIE DE L'eCOLE FRANCAJSE d'eXTREME-ORIEKT ATTACHE A LA BIBLIOT1IEQUE RATIONALE PARIS ERNEST LEROUX, EDITEUR 28, rue bonaparte, 28 1901 0 Les Iravaux 6pigraphiques, historiques et linguistiques de MM. Aymonier, Barth et Bergaigoe ayanfc trait au royaume de Campa1 ont de nouveau atlir6 l'attention sur im ancien 1. Prononcez : Tchampd. Ce mot est encore ecrit : Chamba (Marco Polo), Champa (F. J. Barbosa, A. Dairymple, Frere Jor-danus, Taranatha), Cham-pa (Aymonier), Choampa (Camoens), Ciampa (Adelung, Marco Polo), Csiampa (de la Bissachere), C ya?nb a (M.a.vco Polo), Dsiampa (Dc Bastian), Jampa (Rashudud-din), Kiampa (Lemire), Tchampd (Aymonier), Tiampa (Dr Mo-rice), Tjampa (Landes), Tschiampa (Adelung), Tsiampa (de Croizier), Tsjiampaa (Rumphius)... etc. — « Sur Campa, dit M. Barth (Inscr. sanscv. du Canzbodge, \ eTfasc, p. 69,note 3), voir le Marco Polo du colonel H. Yule, II, p. 212, edit, de 1871. Cet Etat, qui parait avoir ete" assez puissant, puisque Hiouen-Thsang, une quarantaine d'ann6es avantnotre inscription [Inscr. de Ang Ghumnik, province de Ba-Phnom, GambodgeJ, l'appelle Maha-campa (St. Julien, Pelcrins bouddhistes, I, p. 182; III, p. 33), est communement place le long de la cote, a Test du delta du Mekong. Ainsi Lassen {bid. Alterth., I, 2, p. 382) l'identifie avec la province annamite de Bigne-Thouane [Binh-Thuan]. Mais M. Yule a souleve des objections graves contre 1'exactitude de cette determination pour les temps anciens, notamment en ce qui concerne la situation -de la capitale, Campa ou Campapura, le Canf des Arabes, qu'il pense retrouver aussi dans le Za6at de Ptolemee. Pour d'ex-cellentes raisons, il la cherche non seulement a l'embouchure du Mekong et delapointe du Cambodge, mais il croit devoir remon-ler assez haut dans ]e golfe de Siam, jusque dans les parages de Kampot, vers 10° 3Sr N. et 101° 45' E. (Voir ses No$es on the Oldest Records of the sea-route to China from Western Asia^ dans les Proceedings of the Royal Geograph. Soc, and Monthly Record of Geography, novembre 1882, p. 8 et 9 de tirage a part). Cette determination s'accorderait bien avec le temoignage de notre .1 2 NODVELLES RECHEBCHES SUR LES CHAMS Etat de FExtreme-Orient, a peu pres oubli6 depuis sa chute, et dont Marco Polo vaniait les institutions, la puissance et les richesses. Disperses maintenant en Annam, au Cambodge et stir quelques points du Siam1 ou ils ont et6 eminent en capti-vite, les restes du peuple Cham2 sont dans un tel 6tat de decadence que leur disparition, en d6pit de tous les efforts, peut 6tre consideree comme tres prochaine. L'elude de la langue, l'examen anthropologique, les traditions populaires et les monuments montrent bien que. les Chams sont des Malais venus de Java ayant regu de Tlnde leur civilisation, leurs arts et leur religion primitive. « Mais quelle est leur aire d'occupation? On compte g6n6ra- inscription XVIII, B, qui provient d'Angkor et pdur qui Campa fait par tie du Dakshinapatha, de la contree m6ridionale. Mais la capitale de cet Etat rival du Cambodge serait ainsi bieri proche de cette province de Treang ou nous avons trouv6 des inscriptions (II et VIII) aux noms de Bhavavarman et d'lQanavarman. It est vrai qu'en 627, c'est-a-dire a une date qui ne saurail etre bien eloignee de celle de rinscription II, le roi du Cambodge, d'apres les Annates chinoises {Nouveaux Mdlanges asiatiques, I, p. 84; cf. 77 et 90), aurait conquis le royaume de Fu-nan flf] et que M. Yule est d'accordavec Fr. Gamier pour identifier cette derniere contree avec Campa. AbelRe'musat {Nouveaux Melanges asiatiques, I, p. 7S et 77) l'identine avec le Tonkin, et St. Julien {Journal asiatique, 4e serie, X, p. 97) avec Siam. II y a la encore bien des points obscurs. Pour le nom de Campa, qui est en Sanscrit celui d'un arbuste etd'une fleur [Michelia Ghampaka, Linn.], on sait qu'il revient frequemment dans la g6ograpbie de l'lnde propre, nolamment comme celui.del'ancienne capitale des Angas, dans le Bengal septentrional. »- 1. Pres de Bangkok, de Chantaboum et de Battambang. 2. Prononcez : Tiame. J'ai conserve l'orthographe generale-ment admise en Indo-Chine, ou le ch du quoc ngfr (litt. langage vulgaire), ou transcription des Missionnaire's pour l'annamite, a presque le son de ti dans tiare. — Autres grapbies du mot chain : chain, cha,m (Missionnaires), Mam (Lemire), tchame (Aymonier), ihidme (Mouhot),. tiame (Dr Morice), tjame (Landes), tscham (K. Himly), Isiam (Zaborowski), etc. introduction 3 lement comme établissements chams le groupe du Biiih-Thuan et une sortě de chapelet de petites communautés égrenées ä travers la Cochinchine et le Cambodge jusqu'au Siam. Oř, c'est lä une vue singulierenient incomplete. Au pied du versant oriental de la chaíne annamitique, et débor-dantméme surle versant oppose, se trouvent des populations Eombreuses, qui peuvent étre charnes, qui en tout cas, out recu une forte empreinte cháme; ce fait parfaitement constate met en question tout le schéma ethnographique de Flndo-Chine Orientale. Jusqu'oü s'etend cette zone de race ou d'influence chame? Est-elle contigue ä la zone khmere ou, comme certaines observations le laissent supposer, en est-elle séparée par une zone intermédiaire de races diffé-rentes? II serait bien hasardeux de donner aujourd'hui une réponse a ces questions1. » On peut espérer avec M. Finot qu'elles seront prochainement éclairées d'une lumiere nou-velle, grace äune exploration linguistique et ethnographique de la presqu'ile Indo-Chinoise. Alors pourra étre déterminée, de fagon plus rigoureuse, la curieuse histoire de ce peuple, autrefois grand, qui reQut la double empreinte religieuse de rinde et de l'Arabie, et dont les miserables débris glissent, aujourd'hui, ä l'heure méme de leur entrée historique dans le monde occidental, ä une paisible barbarie entre deux civilisations subies sans tendresse. Religions. — On sail que deux religions se partagen„ maintenant les pays occupés par les Chams : 1° l'lslamisme, dont les sectateurs se donnent le nom de Chams banis2 «tils i. Louis Finot, Ecöte fřančaise et Extreme-Orient {Mission ar-chéologique d'Indo-Chine). Rapport á M. le Gouverneur general sur les travaux de la Mission archéologique ďlndo^Chine pendant l'anne'e 1899 (Hanoi, le Ier février 1900). — (Saigon, Irapr. co-loniale). In-4, p..6. 2* Arabe ^^-L» bani « les fils », au cas oblique^ pluriel frequent 4 nouvelles recrerches sur les chams [de la religion] ou de Chams agalam1 « Chams de l'Islam »; 2°unBrähmauisme cjvaite corrompu, pratique paries Chams jal2 « Chams de race » ou Chams kaphirs ou akaphirs3 « In-fideles », descendants des anciens Chams qui n'ont pas voulu accepter la religion de Mahomet. Islamisme. — L'islamisme (chlite?4) que professent en Annam les Chams banis, sans contact avec leurs coreligiou-naires, est rempli de pratiques paiennes. Leurs imams, non seulement ne cbmprennent plus l'arabe, mais en ont presque oubliö la lecture ; ils se borneut ä apprendre par coeur et a rdipeler, en pronongant ä la malaise, les sourates « que leurs ancetres ont rßcitdses »5. Le jeune du mois de ramadhan6, en cham ramvön, bulan ok « mois du jeüne », n'est observö en arabe vulgaire pour banün, pluriel de ibn« fils ». 1. Acalam, de l'arabe : ^%^\ islam « islamisme », ((resignation ä la volonte de Dieu ». 2. Jät, du Sanscrit jäti « face ». 3. Kaphir, de l'arabe IS" käfir « infidele, incr6dule ». Les Chams brähmanistes ont completement oubliö le sens de ce mot par lequel ils se designent habituellement. 4. Les Chutes parti, secte) rejettent les traditions ad-mises par.les Sunnites (4-1- tradition [relative ä Mahomet]), ils sont les partisans exclusifs d'Ali, gendre du Prophele. On les ap-pelle encore Metoualis « adherents d'Ali » ou 'Adelyat « partisans de la justice ». Les Persans et les musulmans de Finde sont Chutes; 5. Elles se röduisent le plus souvent ä la recitation r6p6tee de ^Jls fätihat el-kitab «introduction, exorde du Li vre»", premier chapitre du Coran. Son importance est telle au yeux des musulmans qu'ils lui donnent encore les noms de « Chapitre süffisant » ou o Mere du Livre ». . t 6. « Lalune de Ramadhan, dans laquelle le Koran est descendu d'en haut pour servir de direction aux hommes... c'est le temps qu'il fautjeüner » {Cor., n, 181). introduction 5 que pendant trois jours ; les ablutions1 sont tres negligees et ceux qui les font se bornent ä creuser un trou dans le sable et ä faire le geste de puiser Feau necessaire2; les cinq prieres quotidiennes3 sont rarement dites ; la circoncision meme n'esl chez eux qu'une ceremonie purement symbolique4. Les rares exemplaires du Goran sont fort incorrecls, mal ecrits, le texte en est interrompu fr6quemment par des indications liturgiques en cham ou meme des formules 6tran-geres ä l'lslam. Le mot Goran n'est guere connu au Binh-Thuan; le livre sacre regoit quantity de noms dont voici les principaux : Tapuk acalam « Livre de l'islam », Tapuk Ma-hamat ou Tapuk nöbi Mahamat5 « Livre du prophete Mahomet », Kitab elhamdu6 « Livre de la louange », Sakarai, mot 1. « Ü croyanlsl quand vous vous disposerez ä faire lapriere, lavez-vous le visage et les mains jusqu'au coude; essuyez-vous la tete el les pieds jusqu'aux talons » (Cor., v, 8). a / s 2. Ge n'est meine pas l'ablulion avec de la poussieredite ^ teyammam, recommandöe par le Prophele quand on manque d'eau (Cor.; iv, 49; v, 9). 3. « Observez avec soin les heures des prieres... »(Cor., n, 239). 4. En cham kälan, arabe khilän. Le Coran ne parle pas de cette operation que les Arabes subissent vers l'äge de sept ans. Les Chams Banis du Binh-Thuan, se rapprochant en cela des Persans qui ne circoncisent leurs fils que fort tard, presenlent, vetus d'un habit neuf, les jeunes gens qui out alteint Tage de quinze ans au Po gm (= gürü) ou chef des imams, pour etreini-ties. Le Pö gru, tout en recitant quelques versets-du Coran,. se borne h faire le geste de circoncire les jeunes hommes avec un couteau de bois. La ceremonie se termine par un festin offert aux imams et aux habitants du village par la famille des nouveaux initios. 3. ^ nabi Mohammed. Tapuk, encham, «livre, traite», 6. Les Chams banis ne recitant guere que la fätihat, on n'est pas surpris de voir qu'un autre nom de ce chapitre, -L^_sJl o_j~. surat el-hamd « chapilre de la louange », ait et6 applique par m6tonymie au Goran tout entier. 6 NOÜVELLES RECHERCHES SUR LES CHAMS qui designe également les livres magiques ou divinatoires *. De 1'aveu rnéme de deux häjis malais5 de Chau-doc3venus au Binh-Thuan pour ramener leurs coreligionnaires aux vrais principes, il paraít impossible de ranimer une foi éleinte chez ces musulmans, dépourvus de lout zele religieux, dont la resolution bien arrétée est de s'eri tenir ä leurs errements traditionneis. Gomme leurs fréres bráhmanistes, les Banis eu viendront bienlötä la seule recitation de formules de plus en plus écourtées, abandonnant franchement toutes les pratiques gěnantes. Au Cambodge, les Chams, tous mahométans, n'emploient pas ťexpression Bani pour se designer, le nom de race est seul ušité. Sans étre de chauds partisans de 1'Islam, les Chams du Cambodge, en relations permanentes avec les Malais qui kabitent les rives du -Bas-Mékong, ont subi leur influence. Ces Chams se décidenl méme ä s'embarquer pour la Mecque, comme on apu le Voir ä Phnöm-Penh en décembre 1899, oů.plusieurs ďentre eux sont partis, en compagnie de Malais et d'Hindous, pour accomplir ce pelerinage que tout 1. De 1'arabe (par rintermédiaire du malais) : j»*** sahar « en- sorceler )>; jls»^ sahhär « sorcier ». Etymologie populaire de Gakarája? 2. häjj « pelerin « qui a accompli le pelerinage de la Mecque.». 3. Ou Cháu-doc (prou. tiáo doc), ville de 30.000 habitants, sur le Bassac, branche du Mekong. Chef-lieu de la province du méme nom, dans la Basse-Cochinchine, ä 220 kil. de Saigon. Des Chams forLement dégénérés y vivent au sein de la population indigene, annamite et cambodgienne. Iis se.mélent aux Malais musulmans et constituent la population des villages de Chau-Giang, Phum-Soai, KaUambang (canton d'An-L\ro*ng); Ka-Cói, Ka-Kóki, Lamov, Sbau (canton de Cháu-Phu). Les Chams venus s elablir a Cháu-doc sur les bords du fleuve ont k peu pres désappris leur langue et c'est ä peine si quelques vieillards savent encore la parier. INTRODUCTION 9 bon musulman doit faire au moms une fois dans sa vie1. Ce ne sont la que des faits isolés, les Chams du Cam bodge sont hors d'etat de causer ä notre gouvernement les embarras que les musulmans de Java créent par leur fanatisme ä leurs maítres européens2. Bráhmanisme. — L'autre religion des Chams, pratiquée exclusivement en Annam, est un brähmanisme civa'ite mélé ä des elements divers. Son étude permettra ďétablir nettement la part qui revient ä l'hindouisme dans la religion de ces Chams qui se donnent, comme on l'a vu, ie nom de Jät ou Kaphirs, quand la langue religieuse remplie d'expressions sanscrites, lettre morte pour les prétres et les indigenes, sera bien con-nue. Les prétres invitent ďailleurs volontiers les étrangers aux ceremonies de leur culte et seraient de précieux auxiliaires si toute leur science ne se réduisait ä lire ä grand'peine les prieres rituelles etä suivre scrupuleusementdes observances dont ils ne comprennent pas le sens. Ces prétres, et tous les Chams ďaujourďhui, ont complétement perdu le souvenir de la civilisation et jusqu'au nom de l'Inde; les dieux hindous des monuments ne représentent ä leurs yeux que les images de leurs anciens rois; leur culte, quoique cjvaite, est si for-tement imprégné de pratiques qui se retrouvent chez les peuplades autochtones de l'Indo-Chine et dans la religion sino-annamite, que le nom de Qiva, souvent prononcé;au commencement des priéres, leur est absolument étranger. L'adoration 1. Cor., ir, 133, 154,192, 193; in, 91; v, 2, 98, 96; xxii, 23. 2. lly a ä Java 12 ä 15.000 Arabes de 1'Yémen dont les intéréts sontdéťendus par un consul ottoman en residence ä Batavia. Les Hollandais surveillent de pres ces Arabes qui sont ďardents propagateurs de leur foi. — Sur les intrigues du consul ture ä Batavia, voyez Van Oordt, De Nederlansche Koopman in de landen van den Islam, Leide, 1899, n° 31; la Vossische Zeitung ďAmsterdam, n° 419 du 8 septembre 1898; et surtout l'article Islam und Arabisch dans Marlin Hartmann : Der islamische Orient, Berlin, WolfPeiser, 1899, in-8°. 8 nouvelles recherches sur les chams de Civa sous forme de liiiga était pourtant le substratum de la religion chame, mais, dans Ie'cours des siécles, les noms des rois, qui luiéleverent autrefois des temples ou qui encou-ragerent son culte, survécurentseuls etfinirent par remplacer définitivemenl le nom du dieu de la religion primitive1. 11 semble méme que les légendes religieuses des Chams s'effa-cent aussi. Selon toute apparence, le temps est peu éloigné oú leur religion deviendra purement rituelle. Les légendes chames, dans leur état actuel, ne peuvent guere servir á l'instruction religieuse des Chams et encore moins permettre d'y rechercher des traits propres á identifier les dieux, ou plutót les rois divinises chams, á ceux du pantheon hindou. Cest done ailleurs qu'il faut porter les investigations. Le culte cham, pour si corrompu qu'il soit, se rattache élroitement au bráhmanisme; les rites sacrés nous dévoile-ront peut-étre ce que les légendes ne peuvent nous faire apercevoir. Un exposé des súrvivances de l'hindouisme, ďun caractére trés precis, viendra á l'appui de ce que nous avan-Qons. Citons au hasard : 1'adoration du linga et de Nandi2, les bains de purification, le rincage de la bouche aprés le sacrifice, 1'initiation religieuse « qui est une nouvellenaissance », Thabitude ďappliquer une feuille ďor sur la bouche des morts « pour leur assurer 1'immortalité » 3, 1'emploi du cha-pelet, de 1'herbe kuca,4 (en cham ralaňs), et de la conque sacrée 1. Inscriptions sanserites de Campá et du Cambodge, 2e fascicule, p. 20. II en était de méme au Cambodge. 2. Le taureau blanc de Civa; les Chams 1'appellent Kapila « le roux » =zz la vache (en sanserit). 3. « L'or est laréalité », il est le seul vrai metal, et a ce titre 11 est aussi Vimmortalité, la seule vie réelle... (S. Levi, La Doctrine du sacrifice dans les Brahmanas, p. 164). 4. Poa cynosuroides, Linn. 5. Saccharum spicalum, Linn. INTRODUCTION 9 aux cer6monies, les oblations au feu, l'horreur des fautes rituelles, la coutume d'inviter les dieux individuellenient a venir consommer les offrandes, la cabane de feuillage qui repr6sente la maison du sacfifiant, le nord-est considers comme la region sacr6e, les mantras qui accompagnent les rites, les noms donnas aux prelres qui sont comme un reflet de la religion vexlique1, le geste rituel qui consiste a reciter une invocation a Civa — incomprise du reste — en touchant les phalanges alternativement avec le pouce et i'index de la main droite, etc., etc., sont des elements manifestement hin-dous. A cote de ces choses purement indiennes vit un monde de pratiques et d'id6es qui leur sont tout a fait 6lrangeres : il suffit d'indiquer les rites agraires dont la trace subsiste chez les Malais; les interdictions sacr6es (tabun)3 qui paraissent emprunt6es, comme le mot, aux religions polynesiermes; les sacrifices de buffles offerts egalement par les Nepalais et les sauvages de rindo-Chine3; la coutume degarnir le fond du cercueil avec des plantes aromatiques, la cime ou la feuille 'du bananier, avaut d'y deposer le cadavre, qui existe chez les Laotiens4, les Khmers et les Annamites; l'emploi de pa- 1. M. Barth a fait d'interessantes remarques sur 1'introduction des lermes consacres du rituel vetlique dans le culte de Civa. Voir : Inscriptions sanscrites de Campd et du Cambodge, ler fascicule, p. 20 et2e fascicule, p. 20. 2. Dieng des Ba-Hnars et des Sedangs in P. Dourisboure, Les sauvages Ba-Hnars... 3e ed., Paris, Tequi, 1894, in-12,p. 60-61. Ce mot est ecrit deng a partir de la p. 217. 3. On peut lire une tres curieuse description de ces sacrifices de buffles chez les Ba-Hnars ou Bannars (P. Combes) dans la Lettre de M. Combes, missionnaire apostolique, d MM. les Direc-teurs du Seminaire des Missions Etrangeres (Cankeusam [(Annam)], Je 29 septembre 1853); publiee par les Annales de la Propagation de la Foi, 1834 et donnee en appendice de l'ouvrage de P. Dourisboure, cite plus haut, p. 326-327. 4. Lieutenant-colonel Tournier, Notice sur le Laos frangais, Hanoi, Schneider, 1900, in-4. 1Ö NouVeLlěs recbeřcees sur fcÉS COÁÍiŠ piers couverts de figures magiques1 et la prediction de 1'ave-nir au moyen de troiš sapeques. et d'une écaille de tortue, pris aux Sino-Annamites, et, pour terminer, les pajao, kaiň yaň, thrvak ou Qrvak rija, prétresses qui se rekouvent chez les Bahnars et les Sedangs2. L'examen attentif de la littérature religieuse et surtout des rituels fournira le moyen de multiplier les rapprochements; c'est dans ce but que j'ai mis ä profit un séjour de plusieurs mois ,au Binh-Thuan, au milieu des Chams, pour recueillir, pour la premiere fois, une collection des textes les plus importants des Kaphirs. Ce sont: ' . I9 La liste des dieux qu'on doit inviter ä chaque sacrifice el qui sont l'objet ďun culte suivi; 2° Les hymnes chantés dans toutes les communautés cha-mes; 3° Les prieres des grandes fetes; 4° Les chants du mödvön (ministře officiant); 1. Les Hindous s'en servent aussi, mais les dessins de certaines figures magiques chams sont visiblement empruntés aux An-namites. 2. « La Bo-jaou est la pythonisse, ou, si Ton veut, la sorciere officielle d'un village... Le sauvage a dans la Bo-jaou une con-fiance sans bornes. Ehe est censée savoir beaucoup de choses cachées au reste des mortels; eile voit les Esprits, eile est en relation avec eux; eile connaít l'avenir... Quelqu'un est-il malade, la Bo-jaou sait d'oü vient la maladie, ce qu'il faut faire pour l'é-loigner. Elle indique les superstitions requises pour obtenir le succes d'nne affaire, les sacrifices něcessaires pour éviter un malheur. Chaque Bo-jaou a son Grou, son démon parliculier. Cest ä lui qu'elle s'adresse pour apprendre les choses cachées sur lesquelles on vient l'interroger (p. 172)... [Une bo-jaou] re-nonija ä son Grou et ä la pierre qui était son fetiche... (p. 174). [Pour découvrir Tauteur ďun crime ou délit] les intéressés vont trouver la.Bo-jaou ou \sBo-jaou, car on rencontre aussi, quoique rarement, des hommes.qui exercent cet infame metier » (p. 217). P. Dourisboure, Les sauvages Ba-Hnars. introduction _ ' ' H 5° Les priěres de la recherche du.bois d'aigie; 6° Les rituels funéraires de Phan-Rang et de Phan-Ri; 7° Les priéres de purification des os nobles apres l'incine-ration; 8° Les abstinences des prétres. Les Ry nines aux divinités chames sont dans la mémoire de tous les prétres; on les chante plusieurs fois de suite pendant les ceremonies1. Le commenLaire qui precede chaque hymne, compose par un prétre de Phan-Rang, contient á peu pres tout ce que les Chams savent de leurs diviniLés. Les Priěres des grandes Fétes sont tirées d'un manuscrit sur olles2 dont chaque prétre possěde un exemplaire. 11 ren-fermel'ensemble des formules récitées aux grandes fetes an-nuelles et a l'occasion des ceremonies d'ordination des prétres. Ces priéres contiennent de longs passages en Sanscrit denature et en cham mélé de Sanscrit. L'ecrilure, assez soignee, est moins angulense que dans les manuscrils écrits au pinceau ou au calame, ce qui tient á la difficulté de tracer, sansbriser lesfeuilles de palmier, des traits droits au stylet; la copie donnée ici a été faite sur un exemplaire, provenant de Phan-Rí, queposséde 1'École franchise ďExtréme-Orient. Les Prieres du Módvón, ministře officiant dont il sera parlé plus loin, m'ont été communiquées par le módvon Broch, du village de Palěi Cdk Laň Hip Le (plaine de Phan-Raug). Ces priéres varient de village a village. Les Priéres de la recherche du bois ďaigle sont plutót des incantations que prononce celui qui dirige la. recherche de ce bois et ses compagnons; une description du bois ďaigle et quelques details sur ce rite tombé en desuetude depuis 1. Une allusion a Sílá est sans doute la preuve qu'il existait une version cháme du Rámáyana. 2. Feuilles du Borassus flabelliformis, Murr. ou du Rhapis fla-belliformis, L'Hér. (Palmiers). Tamoul olai, malayalam ola. 12 nouveixes becherches sur les chams l'arrivee dcs Francais (1888), forme Fobjet d'une notice. Les Riluels- funéraires présentent cette particulars cu-rieuse que l'invocation introductive sanscrite áCivaest suivie des lettres de l'alphab'et cham rangées d'abord dans l'ordre alphabéfique indien et ensuite de la derniére á la premiére lettre, foimant ainsi un alphabet renversé complete paries combinaisons de consonnes de l'ecriture cbame. On a alors un tableau complet des signes, auquel manquentles consonnes ajoutées1 qui n'ont dů. étre introduces que fort tard dans l'alpbabet cham. Le Rituel funéraire de Plian-Rang est termine par seize figures magiques coloriées destinées á étre placées dans le cercueil ou les linceuls pour étre incinérées avec le mort. Le Rituel funéraire de Phan-Ri ne contient pas de figures magiques; il présente d'assez notables differences de redaction et est complete par un certain nombre de for-m.ules magiques. La langue de ces rituels est généralement claire, e^cepté dans les passages, par trop concis, .oii le rite est expliqué. On Jieuť supposer que ces fragments provien-nent d'anciens traités (sakarai) ou l'ordre des ceremonies était minutieusement décrit, et que les prétres prétendent avoir élé brúlés pendanťleéguerres annamites qui ont amené la destruction du royaume de Gampa. La Priěre de purification des os nobles apres V incineration, et un petit texte sur les Abstinences des prétres terminent ce recueil. Le texte cham est la reproduction fidéle des manuscrits dont je me suis servi. Les corrections au texte ont été ren-voyées en note. A défaut de caracléres cbams une transcription signe á signe, trés simple,.a été adoptee et pour en faciliter 1'intelligence, divers alphabets, des specimens ďécriture et plusieurs fragments des manuscrits édités ont 1. Y. Aymonier, Graimn. cháme, p. 13. INTRODUCTION 13 été reproduits en phototypie et transcrits ďaprés le systéme suivi dans ce memoire. La lecture du cham, ä part quelques ressemblances de lettres sans importance, présente moins de diffičullés queďauťres éerilures de la méme famille, du cam-bodgien par exemple. Les présentes Rechérches sur les Chams ne sout qu'un essai et je me suis borné ä Ihrer des documents sans avoir la pretention de résoudre d'obscurs problémes. L'importance liis-torique de ces documents, d'ailleurs tous inédits, n'est pas douteuse. Leur publication, s'ajoutant äla remarquable etude de Bergaigne sur lá religion des Chams ďaprés les inscriptions, jettera uu jour nouveau sur le dernier stade de deformation religieuse d'un peuple en voie de dispáraítre. Mon Memoire n'a rien d'une oeuvre definitive; je crois cependant devoir avertir que je me suis toujours attache, avec le plus grand soin, ä ne pas tirer des témoignages plus qu'ils ne contiennent réellement, surtout quand ils ont pour base des textes écrils dans une langue encore mal connue. Résumant les principaux résultats obtenus, il sera, je 1'espére, de quelque utilitě ä ceux qďintéresse la question děs langues et des religions de rindo-Chine; il apportera aussi une utile contribution ä la connaissance plus intime d'un peuple de civilisation indienne interessant entre tous. 11 m'est particuliérement agréable de terminer celte introduction en adressant ä M. Finot, directeur de 1'Ěcole franchise ďExtréme-Orient, mon eher maítre et ami, dont les conseils et les encouragements ne m'ont jamais manque, l'hommage de ma profonde gratitude et de ma respectueuse affection. Que M. Odenďhal, resident de France ä Phan-Rang, qui s'est tant intéressé ä mes rechérches et les a facililées de tout son pouvoir, me permette aussi de lui en expřimer ici toute ma reconnaissance et veuille bien accepter mesvifsremerciments. Antoine Cabá-Ton. Phan-Bang (Armani), 8 j'uin 1900. NOTICES' MVIIVITÉS MASCULINES ET DIVINITÉS FÉMEVI1VES D'apres le Pó Adhja2 de Phan-Rang, les grandes divinités chames se divisent en deux groupes : les divinités masculines et les divinités féminines. Cest á elles seules que Ton rend un culte aux fětes solennelles de Katě et de Cabur3; elles ont le pas sur les autres divinités nommées dans les hymnes etles textes religieux. Les grandes divinités masculines sont au nombre de trois : 1° Le Pó Yaň Moh, M6 ou Amó 4, créateur de toutes choses 1. Pour la prononciation des mots chams, voir Les Principes de lecture. ■ 2. Grand-prétře. Prononcez : Adbia, 3. Prononcez : Tiabour. í. Mahádeva (— Civa) ? — L'examen des textes montre claire-ment que les Chams ont une tendance marquee a expliquer, par des mots de leur langue, les termes sanscrits dont le son Yen rapproche quelque peu. Ainsi les Cbams traduisent constamment nomdh (=namas « hommage a ...»), par nomó « traces »; jva laň (—jvala « flamme »), par jvá « unique, isolé », laň « village », village isolé; Ja dj krom (= yat + kráma + m — yathakra-mam « en ordre, successivement »), par ja « eau », dí « de », krom « bambou », sue de bambou! etc. Les mots arabes ont subi le rnéme sort. Cest ainsi que nóbi tiré de nabi « pro- phete » est couramment confondu avec ndbhi, mot ďorigine in-dienne équivalant á Pó « seigneur » {— skt. nabhi « ombilic, centre, chef »), et traduit par « chef ». Les interpretations de ce 16 nouvelles recherches súr les cha&ís et censeur des dieux. IL a la proprieto, qu'il partage avec le Po O vlah (Allah), de changer de corps et de prendre toutes les formes qu'il veut pour ne pas étre reconnu; 2° Le Pó Jata qui emane du dieu precedent, dieu des regions celestes; 3° Le Pó O vlah, dieu indéterminé, incorporel, créateur du Pó Racullaket du PóLatila, et résidantáMókah(LaMecque). 11 a été créé par le Pó Ovlahuk, pere du nobi Mahamat1. Les divinités féminines sont : Pó Inó Nogar ou Pó Yaň Inó Nógar Tahá «la grande déesse Mere du royaume2» est la plus puissante divinilé des Ghams; genre sont encore facilitées par la frequence.en cham de l'aplie-rése et de l'apocope. Pour en revenir á Pó Yaň móh, mon sentiment est que móh devenu mó a pu étre pris pour 1'aphérese de amó « pere » qui complete assez bien 1'idée de Pó Yaň « Seigneur Dieu » en Pó Yaň Mo « Seigneur Dieu pere », alors que mó on mohn'est probablementque l'apocopede mOho (==mabá« grand») qui jointe a Yaň« dieu, diviaité » pérmet de reslituer sans peine la forme Mahadeva, un des noms de Giva. 1. O vlah = 4»! Allah « Dieu ». f ví "£ Ovlahuk — Allaho, le méme mot vocalise. Latila= 4J1 Via elaho, « point [si ce nest] Dieu ». Des trois mots de l'invocation arabe : « II n'y a pas d'autre Dieu que Dieu », les kaphirs ont fait trois divinités. t» ? J> , . Raijullak est la transcription de