Le cerclc retreci des froids horizons blemes Eircint, comme un collier prodigieux de bras, Les toits mouillcs et nus qui sc lassent en bas. Le vent brusque renverse aux maisons embrumees Le panache mouvanl des legeres fumCes. Et du gris sur du gris comme une cendre pleut... El pris d'un vain regret de soleil et de bleu, Je rgve, le front triste et lourd de somnolence, Que l'azur en I'espace clargi recommence... Mars Le jour est doux, l'air bleu. C'est encore l'hiver. Le dernier mois de neige ct de vent froid expire. Dejil, dans l'atmospherc apaisee on respire Comme un avant-coureur parfum de printemps vert. La lumiere s'attarde au livre grand ouvert Ou git I'Sme de Goethe, Hugo, Dante ou Shakespeare; Et le reveur, que [ant de clarte" vive inspire, Se prend a te cherir d'avancc, 6 beau soir clair! Janvier el feVrier furenl, comme decembrc, Des mois feconds. Le songe habila notrc chambre; Nous avons fait des vers iniimes, pour nous seul. Mais demain, elevam la voix au ciel sans voiles El sortant de soi-mfimc ainsi que d'un linceul, Notre 3me va crier son amour aux etoiles! Lumiere Je regarde, et j'emplis mes yeux de ta lumiere, Beau ciel oil pas un scul nuage n'apparait, Et j'6prouve un plaisir indicible et secret A sentir converger l'azur sous ma paupiere! Le bleu me glisse au crxur, frais comme une riviere Qui, sans me deborder, toujours s'elargimil, Et l'immense infini que rien ne contiendrait, Vague a vague, s'etale en mon 3me humble et fiere! Tout I'espace esi en moi, qui vibre clairemenl; Je 1'ai bu du regard de moment en moment, Et pourtant jc ne suis qu'un atome en I'espace... 128 lg ciel bleu descendu dans mon infimile Roule comme un profond torrent d'öternitc, nans lequel, ebloui, je me mire et je passe! Charme dangereux Le charme dangereux de la mort est en toi, Automne, on le respire en ton souffle, on le boit. Tu fais le ciel couleur de cendre et de fumee, Et ton ombre est si douce, 6 saison bicn-aim6e, Que des qu'elle a touche, pale encor, notre seuil, L'iimc faible s'y couche ainsi qu'en un cercueil. Ellc entend s'61ever tes plaintes a nos porles D3ns le fremissement soycux des feuilles mortes; Elle sait que les yeux des astres sont ferm£s, Que les ardents parfums des flcurs se sonl calmes, Que tout se pacifie ct s'endort et se penche, Que du soir desole la tristesse s'epanche... Un grand ddsir d'absence ct de d^tachement, Un vceu profond de n'etre plus, infiniment, S'cmpareni bientOt d'elle, et c'est ta faute, Automne, Qui la berce d'un chant funcbre et monotone! Ta voix magicienne enchantc el fail mourir; Les lys 1'ont e'eoute'e: ils se sont vus fletrir; Elk est belle ct pareillc a de beaux yeux de femme: Volupte du regard, h&as! malheur de Fame! Voix de sirene blanche en 1'ecume des flots, Dont 1'accent merveilleux, trompant les mateloLs, Promet I'enivremenl supreme ct le device Et dont le charme traitre a 1'abTmc les glisse... Aussi, saison funcste ct pleine de langueur, Adorant la beaule fine de tes nuances, Mais, comme un doux poison, craignant tes influences, Je tc garde mes yeux el le reprends mon occur! Musique J'adorais la musique autrefois: j'ai chang6; Je preTere aujourd'hui le rythme du silence. Je sens en moi grandir une ame d'elranger Que trouble et que distrait la sonore cadence. Je vojs le mojide ou taiit de force se consomme, Haletant, s'epuiser dans la fievre el le deui], Reprcndrc, commc hier. 1c fardcau qui Passommc. El parmi lanl de vceux, de misere el d'orgueil, D'csperance lassee el d'amour sans accueil, Je vols dans leurs yeux clairs batlre 1c cicur des hommcs! Le vent J'aime le vent auiant que le rythme des vers. Accords passionnes, musique vehemente, Parole qui rugit ou voix qui se lamente, J'aime le veni qui lourne aulour de ľunivers! J'aime le veni lordant les beaux érables verls; Le vent blanc que la neige empoudre et diamante, Le vent lumuliueux des longs soirs de tourmente; J'aime le vent d'avril et le vent des hivers! Tous les vents me sont doux dans leur calme ou leur rage. Que le brin d'herbe a-t-il a craindre de 1'orage, Et qu'ai-je a redoulcr des colcrcs du vent?... Oh! levez-vous encore une fois dans l'tiistoire, Grands venis impeiueux, souffles du Dicu vivant, Qui porterez un jour des ailes de vjctoire! Les arbrcs dormcnt Les arbres dorment au soleil. Rien n'y bruit, rien rt'y remue. En file, le long de la rue, lis goúlent un profond sommcil. L'air est chaud, et la brise absente. Sous le del v aste ou mtdi bout, Les beaux arbres dorment debout, Sans une feuille frčmissanle. lis se reposent de 1'effort Qu'ils ont fait par touies leurs branches, Et prennem de justes revanches Conire le gel el le vent fort. Us darmeni parlmiemem calmes, Dans le reve oubliant leurs maux, — Pareils aux hommcs! —■ leurs rameaux ployc's parfois comme des palmes. A leurs picds montc la rumeur Du travail qui bourdonne et gronde: Eux. ils ne sont plus de ce monde! Lc fracas dans leurs feuilles mcun. Rien nc [rouble leur quietude; El les oiseaux respecweux S'ils volcnt se poser sur eux, Oni pit Le de leur lassitude... # Dormez, beaux arbres verts, dormez! Avec leur plainlc monotone, Voici bienloi les vents d'automne Et puis I'hivcr, arbres airnes! Dormez sous le soleil lorridc, Ve"lus de vivante splendeur; Dormez sous I'implacable ardeur Ou l'ame de PEie reside... * * Et quand vos feuilles tomberont, Apres lanl de jours de souffrance, Nous garderons la souvenance De leur ombre sur notre front. Les jours qui fuient Les jours oni fui, pareils a des oiseaux sauvages, — Des oiseaux blancs, des oiseaux gris, des oiseaux noirs, Qui s'en voni sans retour vers de lointains rivages, Bonheurs, tristesscs, deuiis, rircs, sanglols, espoirs... Les jours ont fui, pareils a des oiseaux sauvages.