Réjean Ducharme : Le Nez qui voque Ils l'ont fait attendre (Mille Milles). Ensuite, une femme, derrière un pupitre, s'est mise à lui poser des questions. Elle avait un formulaire à remplir. On ne remplit pas ce qu'on veut. — Comment t'appelles-tu ? — Mille Milles. — Quel âge as-tu ? — Seize ans. — Où es-tu né ? — Dans un bateau blanc, sur le Saguenay. — Je voulais dire : Où as-tu été baptisé ? — Le lendemain. — Où? À coups de plume, elle lui enfonçait des où dans les yeux. Le mot où, dit-elle, est un adverbe de lieu. Où ? — À Bagot. Bagot, le mot Bagot ressemble à Bigot, au mot Bigot. Le lieutenant Bigot, ah ! l'intendant Bigot, oh ! La langue m'a fourché. — En voilà assez ! De quel sexe es-tu ? — Je n'ai pas regardé. — De quel sexe es-tu? — Ça ne me fait rien... Ça n'a pas d'importance. Je suis désespéré comme le diable. — Que dis-tu ? Je vais me fâcher. Je vais te faire avaler mon crayon si je me fâche. - La soupe est prête : voilà ce que je dis. — Qu'est-ce que c'est? — C'est une expression. C'est comme saint édredon. — Que sais-tu faire, mon cher Mille Milles? — Rien, ma chère. Je ne veux pas dire que je ne sais rien faire. Je veux dire qu'il n'est rien que je sache faire. Ce n'est pas économique, financier, pécuniaire, ça, ne rien savoir faire. Et le reste, et le reste. Alors, Mille Milles a lâché un gros soupir, comme s'il était bien fatigué, très las, et il a quitté le Bureau de placement pour toujours (NV, p. 15- 16). ........ Une femme, c’est comme un cheval ; ce n’est bon qu’à échanger contre des moutons. Une femme, c’est comme un écureuil ; c’est beau. Une femme, c’est plus grand qu’une allumette. Je pourrais continuer ainsi pendant deux cents pages. Avoir une belle femme, c’est comme avoir un beau cheval. Les hommes qui se mettent à genoux aux pieds des femmes sont des hommes qui se mettent à genoux devant leur propre pénis : ce sont des maniaques, des obsédés sexuels. La femme peut être prêtée, échangée, vendue, perdue et donnée, comme un cheval. Plus la femme est belle, plus elle vaut cher. Mettre la femme sur un pied d’égalité avec l’homme, c’est comme mettre un écureuil sur un pied d’égalité avec l’homme. Les femmes gagnent souvent contre les hommes, mais seulement quand l’homme accepte de jouer le jeu de la femme. […] La femme est devenue insolente. Elle est glorifiée par la police, la magistrature et le Conseil législatif. La femme la plus insolente est celle qui a le plus beau derrière. Plus son derrière est beau, plus elle fait la grave et l’intouchable. La femme mesure son importance à la beauté de son derrière ; c’est pourquoi elle méritait son esclavage. La femme qui n’a pas un beau derrière se méprise, est humble. Beau derrière est égal à beau visage. La beauté du visage n’a d’autre mérite que d’exciter à la convoitise du derrière. La galanterie est fondamentalement sexuelle, puisqu’elle ne peut être exercée que par un membre de sexe masculin. La galanterie doit donc être jugée comme on juge le reste du sexuel, les revues pornographiques incluses. Dire que la femme est magnifique et que le sexuel est horrible, c’est dire deux choses contraires au sujet d’une même chose. Voilà, Madame. […] Une femme n’a rien à accorder. La femme n’a qu’à se taire et jouir, ou souffrir, selon le cas, des faveurs de l’homme. La femme est comme l’homosexuel, est une sorte d’efféminée exhibitionniste et ridicule qui ne peut penser qu’aux hommes. La lesbienne n’est pas comme l’homme ; elle est exhibitionniste. J’en ai assez. Pan ! Pan ! Pan ! Les acteurs sont comme les femmes : s’exhiber. Pan ! Pan ! Pan !