Eleonore Sioui Nee ä Wendake en 1925, Eleonore Sioui est la premiere Wendat (Huronne) a avoir public' un recueii de poemes au Quebec. L ensemble de ses ac/iz'i/es hi: vaJent en 200/ le hire d'officier de /'Ordre du Canada. Eleonore Sioui, inspire'eparses ancetres, ecrit depuis sajeunesse et public aujourd'bui en trois langues .francais, anglais el espagnol. Son langage precis et elatr, parfois ironique, ses images originales, tantöt donees et apaisantes, tantöt violenfes et marquees par la soitffrana; te'moignent de sa communion spirituelle avec la nature. Seousquachi. Unite transcendante J'ai vu le Cceur Et l'Esprit De Mani tou Pcnchés sur le côté droit ďun nuage Etineelant de rose Transparent d'azur et de gris Projetant trois rayons Sous un voile de rosée Dcritelé de lu miere rami see Descendant sc baigner Dans u n passage d br Sur la mer ä mes pieds Er qui doucement se transformaient En myriades d'arcs-en-ciel. (Andatha. Vai-d'Or, Editions Hyperboréc, coll. * Bribes d'Univers», 1085, p. 10] 88 Littérature amérindienne du Quebec r Obedjiwan Obedj iwan La ouate De tes neiges Sans fin Renťerme Les glacons Aigus Argentés Des sanglots Perdus. (Amtatha, Val-ďOr, Editions Hypcrborée, coll. « Bribe? dUnivers », 1985, p. 33) Ondr.chaterri. Tai partout mal .1 e n'ai été l'amante Que du Soleil Je n'ai engendrě Que par Lui Je n'ai connu La caresse amoureuse Quetendue sous ses chauds baisers Fécondée par la pluie C est la creation de mon univers Parfois Iorsque le désir D'etre aimée mentraine Je pars jusqu'a la mer Qui boit mes plaies Et me verse 1 oubli A grands coups de vagues Distillant mes sanglots En poěmes de paix Poěmes 89 Dans le fond du vert de mes yeux Grisant l'engouement qui me tord Comme une source evictee. {Andatbn, Val-d'Or. Editions Hyperboree, coll. « Bribes d'Univcrs », 1985, p. 36) Autochtonictte Dans un verre De vin blanc Deposez deux ou trois gouttes De sang indien Ajoutez-y une once de pollution Brassez a l'curopecnnc Et vous aurezun melange de deuxieme classe Puis fermentez le residu de lelixir Qui vous procurera une troisieme classe Dont la dilution deviendra LAmerindien Contamine dans son authenticite. Make big plans, aim high in hope and work Do not make little plan as it gives no magic stir. (Femme de /'i/e, Rillieux, Sur Ic dos dc la rorruc, numcro hors seric, 1990, p. a) En vers Au bout de tes pas La terre monte vers toi Comme une priěre d enfant Puis éclate le silence Littérature amérindienne du Quebec Poimes 01 Du mai's fécondé De rides millénaires. (Corp! a ctrur éperdu, Val-ďOr, D'ici et ďailleurs, coll. * Cygnes du dcl», 1992, p. 32) Blanc sur Noir J'ai ressenti la lie Des jours stagnants De mes frěres muselés Le sourire aux dents Mates dans une fragilitě menacante Ródant enchainés, encastrés Dans le carcan du vert ramier Préts á mordre le báillon De sang jaillissant De leurs yeux infectés De rouge, de noir et de blanc Remplis de luisants horizons Á perte de bras Mais nosant dénouer Leur voix. Perdue au fond du gouffre Oil le chemin ne s'arrete a jamais. Je suis si seule Ma consolation Lire, essayer de comprendre et sangloter Quelle pitie, et personne ne m'entend. {Corps a ca?iir éperdu, Vai-ti'Or. D'id cr ci'aifletirs, coll. « Cygnes du cid», 1992, p. 125) (Corps a íceitr éperilu, Val-d'Or, D'ici et d'ailleurs, coll. x Cygnes du cieU, 1992, p. 110) Orixha. Á celles qui se sont tues J'ai lu, médité, crié Mes souvenirs Qui ont taché mon oreiller Comme une gorgée de sanglots Pour embrouiller ta trace Literature ame'rindienne du Quebec Poemes 93 Rita Mestokosho Rita Mestokosho est la premiere poetesse innu a avoir publie un recueiluit Quebec. Elle est nee dans la communaute d'Ekuanitshit (Mingan) en 1966, oU elle reside encore uujourd'hui et oil, en tant que conseillere au Conseil de bande, elle developpe des projets cultu-rels et educatifs. Les Aurores boreales constituent une invocation it Tshishe Manitu, le Grand Esprit. En se laissant benerpar le rytbme calme et ouate des mots, le lecteur est parte nalurellement a imaginer la poetesse, en hiver, quelque part dans Nitassinan (notre terri-toire en innu), se recueillir et entamer ce dialogue avec Tsbishe Manitou, avec elle-meme, avec la vie, avec la terre, dans Vatmos-phere mystique qui caracterise la taiga. L'arbre de la vie prend Vallure d'une le'gende et symbolise, a travers les enseignements que recoit un petit arbre et son experience dans le «grand monde; le cbemincment que chaque etre humain peut deader d'entreprendre a un moment de son existence a/in de s ouvrir d la vie et assumer la realite souvent difficile et traumutisante. Les aurores boreales A la saison froide et silencieuse les aurores boreales s'allument corame par enchantement une lumiere qui vient d'ailleurs je caresse du regard la beaute du monde et la fleur de lespoir une chanson aux mille couleurs par la majeste de cette beaute j'honore tshishe manitu celui qui vole parmi nous sous le visage d'un enfant celui-la meme qui vit en nous celui qubn cherche a comprendre mon ami le solitaire des montagnes il ne suffit pas de croirc en la vie il faut se battre pour l'cxistence aujourd'hui je veux conquerir la liberte le scul pouvoir que l'homme cache en lui cest la liberte qui le rend heureux quand il voit le coucher du soleil je tbffre ma priere toi qui voles parmi les etoiles toi mon petit frere une vision de respect et de reconnaissance a la terre qui entend ma priere elle me fait voyager et rever cours vers le silence je m'adresse a toi tshishe manitu pour que 1'amour possede le monde pour que la paix coule sur la grande riviere pour que le respect soit la seule pierre cherche en aimant la terre a travers la vie sur le sender qui sbuvre vers la verite le mystere cache pour qu'une fleur naisse pour effleurer la beaute toucher l'amc mon ami tshishe manitu je me fais modeste devant ta grandeur la riviere de la vie coule jusqu'a lbcean et libere lessence qui te permet de respirer ne coupe pas le souffle de la riviere ma soeur car tu empeches la terre d expirer le doux parfum de la liberte {Innuvclle, vol. 5, nJ ro, novembre 2002, p. 11) Uttfrature amerindienne du Quebec Poemes 95 L'arbre de la vie II etait une fois il ny a pas si longtemps dans une foret lointaine un petit arbre qui venait de naitre et la vie avait coule dans les racines a travers la profondeur de la terre il etait petit mais ses racines etaient profondes le troisieme jour le vent vint lui tcnir compagnie afin de lui raconter ses voyages dans [ le grand monde comme le vent disait si bien le petit arbre pouvait voyager lui aussi mais il s'imaginait la vie tout autrement car la ou il se trouvait il etait a l'abri de la [ destruction le cinquieme jour la pluie vint chatouiller son feuillage elle lui raconta que la dbu elle venait le monde etait petit tout comme lui le petit arbre pensa a tout ccla alors passerent plusieurs jours sans que personne [ vint le voir pendant tout ce temps il y avait quand meme le soleil qui rechauftait [ la terre et ses racines le petit arbre prit le temps pour le remercier en faisant present de son plus beau feuillage puisque I'automne s etait installe la pluie et le vent vinrent le voir a tous | les jours pendant sept jours ils ne cesserent de lui raconter comment [ le grand monde se portait alors le petit arbre s'imaginait bien que derriere les montagnes se trouvait la vie il pensa a tout cela un jour que le silence capturait les lieux ct que la blancheur occupait tout lespace le vent du nord vint lui donner une lecon il lui apprit comment regarder autour de lui comment regarder autour de lui que le soleil se pointe a 1'aube pour eclairer et pour rechauifer la terre et lorsqu'il disparaissait devant nos yeux c etait pour poursuivre son travail [ dans le grand monde apres plusieurs annees a passer son temps avec la pluie le vent et le soleil il decida d'aller dans le grand monde il y avait des arbres immenscs qui lui cachaient la pluie le vent et le soleil et ses racines netaientpas aussi profondes puisqu'il etait entoure du grand monde [ qui prenait toute la place ne pouvant plus respirer 1'air pur des montagnes ne pouvant plus admirer dans le silence le coucher du soleil il fit une priere dans son cceur s'adressant au grand esprit prends ma vie mais ne cache pas le soleil qui rechauffe la terre prends mes couleurs mais ne gache pas la pluie qui arrose mon cceur d'amour prends mes racines mais netouffe pas le vent qui fait chanter le silence Littěrature amérindienne du Québec Poémes 97 il ferma ses yeux et il pouvait sentir la chaleur du soleil la caresse du vent la musique de la pluie et il pleura pour la premiére fois il arrosa ainsi ses racines plus profondes que la vie (Rita Mestokosho : Les Amora bcréales. Genevieve McKenzie: Canzoni, Maurizio Gatti, dir.. Roma, Artista Casa dellc Arti, 2000, p. 13-15) Charles Coocoo Né en 1948, originaire de la communautě de Wemotaci (Mauritie), Charles Coocoo est le premier Atikamekw a publier un recueil de poémes. II travaille á lecole de Wemotaci comme conseiller linguis-tique ct interprete, charge de faciliter la communication entre les élěves atikamekw et les professeurs non atikamekw. La quéte personnelle de Charles Coocoo se reflěte dans ses poémes : il y portage sa vision de 1'áme traditionnelle atikamekw gráce á un langage qui stimule les sens chez le lecteur. II amine ce dernier á étre a lecoute des ěvénements qui I'entourent, á céléhrer le monde magique de la nature ct de la spiritualitě atikamekw dans ses multiples facettes : sa heauté, sa vitalitě, sa joie, sa transparence, sa simplicitě, sou mystére. II Vinvite a respecter chaque étre vivant — une petitefille, une modeste plaňte ou encore soi-mime — dans un hymne á Vinfiniment petit et a 1'infiniment grand. Le cycle Dans le sanetuaire des marais, les grenouilles ajus-tent leurs cordes vocales qui résonneront comme dans une cathédrale. Les vibrations de leurs voix auront un effet magique sur les moustiques. Alors, elles commen-ceront leurs bourdonnements. Cest un renouveau de transmigration vers un nouveau cycle, aprěs un sommeil réparateur. Ainsi, le souffle du Grand Esprit est promet-teur. (Broderies sur mocassins, Chicourimi, JCL, 1988, p. 14) Danse de ľ U n i vers Qu'il est bon de chérir ľaube Qiiand la vie palpite au rythme du Grand Esprit